GRIS, Juan, ( José Victoriano Gonzalez, dit )

né le 23 mars 1897 à Madrid, Espagne ; 1902, Arts et manufactures de Madrid ; 1906, arrive à Paris, au Bateau-Lavoir*, y devient le voisin de Picasso*; 1912-1927, pris sous contrat par Kahnweiler, travaille à Céret* ;  1915-1918, contrat avec Léonce Rosenberg ; 1922, pleurésie ; s'installe à Bandol, puis Céret ; 1927, meurt à Boulogne, le 11 mai des suites d'une crise d'urémie ; est enterré à Boulogne-sur-Seine, dans l'ancien cimetière.
signature : José Gonzalez pour les dessins de Madrid et parfois Victoriano Gonzalez ; Juan Gris, à Paris.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : De 1906 à 1910, à Paris, il vit (pauvrement) de dessins pour la presse. Avant de pénétrer en cubisme*, il est peintre classique, Siphon et bouteilles, (1910) de facture sombre. Son cubisme est celui de la deuxième génération, presque simultané à celui des inventeurs de 1907, Picasso et Braque*. Il est moins radical.
Dès 1911, on sent cette approche autre : la structure des objets apparaît durcie comme chez ses aînés, mais elle ne refuse pas l'incurvé du cylindre ou du cercle, ou simplement le trait courbe qui délimite une ombre. Les objets sont insérés dans de larges diagonales, sectionnés latéralement par l'alternance des clairs et des sombres, des ombres et des lumières, et verticalement, par un léger décalage d'une diagonale sur l'autre, Nature morte, (1911, MOMA.), Bouteille et Couteau, (1911, KMO). Les tons gris métallisés provoquent un miroitement de rai lumineux et comme un mouvement.  Avec Portrait de Madame Germaine Raynal et L'Homme au café (1912, PMA.) apparaît l'influence du cubisme analytique né en 1910 des mêmes Picasso et Braque. Mais, lui, est moins austère, plus souriant, plus coloré ; sa mise en page du sujet est plus recherchée, le présentant derrière un avant-plan, Composition avec montre, (1912) ; il incorpore des collages (fragments de miroirs) dans Le Lavabo,Verre et damier, (1912), ou des papiers collés, (1914, MNAM.). La couleur s'affirme, Le Fumeur, (1913, Th-B.), ou Paysage et maison à Céret, (1913), au découpage presque futuriste* du visage, et devient une des caractéristiques du cubisme de Gris, l'autre étant l'ampleur des formes découpées et le refus du dégradé, La Vue sur la baie, (1921, MNAM.) et l'usage du noir pour mettre en valeur la couleur voisine. En revanche, on trouve des passages mouchetés de points unis de couleur, bien alignés sur leurs fonds différents. À compter de 1916, il y a un jeu de taches blanches, découpées sans coïncidence avec les contours des objets représentés dans une gamme sombre, Portrait de Josette (1916, Prado).
Cette même année s'ouvre l'époque "platonicienne" : on ne distingue plus l'objet, mais les structures idéales dont l'objet pourrait naître, Nature morte sur une chaise, (1917, MNAM.), Verre et citron, (ca. 1920), Mains jointes, (1924), à la figure ondulante.  C'est à semblables peintures que s'applique la remarque de l'artiste "Cézanne d'une bouteille fait un cylindre, moi [...] d'un cylindre, je fais une bouteille".
L'Après--Cubisme :
Il y entre  en mettant ses formes à plat, dans le sens d'étaler ; il les découpe mécaniquement, les juxtapose et, de ce fait, supprime toute profondeur, Pierrot à la guitare, (1919, MNAM.) et Pierrot à la grappe, (1919, MNAM.), thème qu'il développe jusqu'en 1924, alors que Picasso dans Arlequin et femme au collier, (1917, MNAM.) superpose les formes et garde la perspective Le graphisme de La Paysanne, (1926) ou de La Femme au panier, (1927), évoque Survage*. Dans toutes ses natures mortes, on retrouve les attributs du cubisme : journal, pipe, guitare, cartes à jouer. Le cubisme de ces dernières années que d'aucuns ont appelés "période pompéienne" est fait d'une fidélité aux contours coupés à la scie et aux arêtes, puis la courbe prend le dessus au point de donner l'impression de toiles coulantes, Compotier et verre, (1924, MAMT), tout en nuances de gris, La Table et le Fauteuil, (1925, Kunstmus., Solothurn). Il est totalement apprivoisé, L'Homme à la pipe, (1925), visage serré dans un cadre de biais, peint sur la toile, Le Lapin Bleu, (1925, MNAM.), La Cantatrice, (1926, Sofidu) ou La Paysanne, (1926, KBe).
Dessinateur :
De 1907 à 1914, il publie plus de 500 dessins dans différents périodiques, dont L'Assiette au beurre, anticolonialistes pour la plupart. D'avril 1923 à janvier 1924, il se consacre à la décoration des Ballets Russes de Daighilev*.

Expositions : 1912, Salon des Indépendants, Paris ; Dalmau, Barcelone, (G) ; 1919, L'oeuvre moderne, Paris.

Rétrospective : 1928, Simon, Paris ; 1974, L'Orangerie, Paris ; 2005, Musée Reina Sofia, Madrid ; 2011, Musée Paul-Valéry, Sète.

Musées : Kunsthaus, Bâle, 10 oeuvres, 1917-1920.

Citation(s) : Il a dit :
- Je ne caresse jamais un chien que de la main gauche car, s'il me mordait, j'aurais toujours la main doite pour peindre.    (à Max Jacob).
- Ce que je fais est peut-être de la mauvaise grande peinture, mais c'est de la grande peinture.
On a dit :
- Il avait montré dans ses tableaux que rien ne pouvait plus l'affecter .    (Ernest Hemingway, 1925).

Bibliographie(s) : Douglas Cooper, Catalogue raisonné de la peinture, 4 vol. Berggruen, Paris, 1977.