MATHIEU, Georges, ( Georges Mathieu d'Escaudoeuvre, dit )
né le 27 janvier 1921 à Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais, France ; 1941, diplômé en lettres et philosophie, enseigne l'anglais ; directeur de publicité pour la compagnie de paquebots United States Lines ; 1942, commence à peindre ; 1944, adopte la technique du tube ou du pouce, se passant de pinceau ; 1957, voyage au Japon et y rencontre les membres de Gutaï*; 1975, élu membre de l'Académie des Beaux-arts ; 2012, meurt le 10 juin.
Type(s) : Artiste
Technique(s) : Peintre
Présentation : En 1944, il reçoit "la révélation que la peinture pour exister n'avait pas besoin de représenter". Jusqu'en 1947, ce sera le règne de la désintégration. Un monde larvaire se meut sur fond minéral sombre; il s'agit d'un big-bang, d'une informalité dans laquelle les arabesques trouvent déjà leur place, Evanescence, (1945). Opalescence, (1948), et du magma sort le graphisme qui s'y superpose. Il réagit contre l'abstraction* géométrique prédominante dans les années de guerre et d'après-guerre. Du coup, il invente l'abstraction lyrique*. Mais jusqu'en 1948, son graphisme s'élabore sans se dégager de la gangue qu'est le fond de la toile ; il reste intégré comme chez Kline* et fait corps avec l'ensemble du tableau ; le papillon n'est pas encore libéré.
C'est peut-être avec Açone, (1948) qu'apparaît la virtuosité qui joue des ombres et des clartés sur un fond à la pâte épaisse, avec néanmoins Hommage à Godefroid de Bouillon, 1952), quelques traits noirs impulsifs, d'un dépouillement orientalisant, sur un fond uni beige. Fougue, rapidité, tubes écrasés, souillures, zébrures, tourbillon, ressorts, serpentins et confettis explosent à partir du centre de gravité d'un noeud, dans un feu d'artifice, Les Capétiens partout, (1954, MNAM), peint en 1,20 h surmonté d'une couronne qui rappelle ses affections monarchistes. En 1956, au Théâtre Sarah Bernahrdt il peint une toile de 12m de long avec 880 tubes et devant 2000 spectateurs ; la performance entre dans la peinture ; il se bat avec la toile et pas seulement au sens figuré, tel que le rapporte un témoin de son voyage au Japon où il peint Hommage au général Hideyoshi, (1957) et 21 peintures en 3 jours Il est le premier français à conjuguer peinture et action* en peignant en public, sous l'oeil des caméras de la télévision, Le Massacre de la Saint-Barthélemy, (1959). Cette expérience est renouvelée. La composition, de grandes dimensions - 7 m de long avec La Victoire de Denain, (1963, MNAM) - éclate de signes sinisants jetés comme les zébrures de l'éclair ou les tracés d'un circuit électrique, Magnificences publiques pour la naissance de Thierry d'Alsace, (1960).
Sa spontanéité est à ce point sensible que l'on imagine le peintre incapable de repentirs, comme, pour d'autre motif, l'est le peintre à fresque des siècles passés. Cette peinture est anticipée par Boldini, À Montmartre, (1892, Mus. Boldini, Ferrare).
À compter de 1959, il marque souvent ses toiles d'un cartouche noir, un peu comme le graveur raye sa plaque de cuivre pour l'annuler après emploi. Lorsqu'il travaille sur fond uni - jusqu'en1967 -, il réalise probablement ses plus belles réussites parce que c'est à cette époque que ressortit le mieux la liberté du graphisme, dont un grillage, Composition, (1958, 1961).
En 1964-1965, il surcharge le fond. En 1965-1967, il construit des à-plats bordés sur fond noir. En 1963, avec La Victoire de Denain, (cf. supra), il entame des fondus auxquels il reste fidèle et l'on voit le graphisme aigu rejoint par des coups de brosse à la Hartung*, et sous-tendu par des nébuleuses. En 1970, formes géométriques, véritables plans de villes bordés de remparts d'où jaillit le graphisme. En 1975, nébuleuse pure à la Messagier* avec rappel flou du graphisme, sur un fond coupé horizontalement, calligraphies d'un côté, rectangle de l'autre, dans des tons acides où dominent le rouge sang et l'émeraude.Sa virtuosité s'épanouit le mieux dans les grands espaces, les édifices publics, où son graphisme respire. Simultanément, il peint des toiles à deux gestes, deux signes, monochromes ou bicolores, qui célèbrent le vide, Blanche d'Artois, (1953, Conell University) ou Karaté, (1971). À compter de 1974, il produit de nombreux travaux appliqués qui desservent sa carrière de peintre : timbres-poste, monnaies, trophées, affiches. Avec les années 1980, il commence une nouvelle manière, il resserre le motif lui fait occuper toute la toile, Le Soleil monotone, (1986), Sa Tempêtes accablées, (1990), traite la toile comme un gouffre noir dans lequel deux éclats en forme d'étoiles surgissent et en 1999, il reprend ces éclats comme des taches sur le blanc du papier, écho aux toiles dépouillées de 1953 à 1971, Éclaboussures de larmes, (1999).
Il dessine un timbre-poste, (1970) et grave une pièce de dix francs, (1974).
Expositions : 1946, Salon des Moins de Trente Ans, Paris ; 1949, Perspective, New York, (G) ; 1950, René Drouin, Paris, (P) ; 1952, The Stable, New York (P) ; 1988, Protée, Paris (P).
Rétrospective : 1957, 1967, Kunstverein, Cologne ; 1963, musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1968, musée de La Chaux-de-Fonds (oeuvres de 1964 à 1967 ); 1974, centre Georges-Pompidou, Paris (oeuvres de 1948 à 1960 ); 1976, musée Picasso, Antibes (oeuvres de 1960 à 1976) ; 1978, Grand Palais, Paris (oeuvres de 1963 à 1978) ; 1985, Palais des papes, Avignon (oeuvres de 1944 à 1985) ; 2002, Galerie nationale du Jeu de Paume, Paris.
Musées : .
Lieux publics : 1957, La Bataille d'Hakata,, mural à l'Institut Sogetsu, Japon ; 1982, Délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc, Hôtel de ville d'Orléans; 1985, plafond de la Salle des mariages, Mairie de Boulogne-Billancourt.
Citation(s) : Il adit :
- Les lois de la sémantique se trouvent subitement inversées : jusqu'alors, une chose étant donnée, un signe était inventé pour elle. Désormais, un signe étant donné, il sera viable et par là véritablement signe s'il trouve son incarnation. (d'où, sans doute, les titres démesurés faisant allusion à des événements historiques).
On a dit :
- Tout papier, toute toile deviennent parchemin s'il y appose la vaste griffe inimitable dont il exige qu'elle soit ensemble son oeuvre et le paraphe qui la signe. (Jean Cocteau).
- Le Boldini de l'informel. (André Chastel).
- L’artiste est maintenant appelé, pour réduire le risque du naufrage social, à quitter sa tour d’ivoire pour la tour de contrôle de la société. (John Galbraith).
- Enfin un calligraphe occidental. (André Malraux).