MATTA ( Roberto Matta Echaurren, dit )
né le 11 novembre 1910 à Santiago, Chili, (ou 1911, choisissant alors de se rajeunir pour pouvoir aligner 11.11.11) ; 1932, diplômé d'architecture de l'université catholique du Chili, s'embarque pour la France; 1936, commence à dessiner ; 1937, rencontre Onslow-Ford* et se consacre à la peinture ; 1939, part pour New York, sur le même bateau que Tanguy* et sa connaissance de l'anglais fait qu'il est des premiers surréalistes* à percer en Amérique du Nord ; 1946, devient l'amant de la femme de Gorki*; 1948, exclu, en conséquence, du groupe surréaliste "pour ignominie morale" le suicide de Gorky lui étant reproché ; 1948-1954, vit à Rome ; 1955, naturalisé français ; 1955-1969, vit à Paris ; 1959, banni du groupe surréaliste ; 1960, naissance de Ramuntcho Matta*; 1969, retourne à Rome ; 2002, meurt le 23 novembre à Civitavecchia.
Type(s) : Artiste
Technique(s) : Peintre
Présentation : On ne sait presque rien de sa période chilienne, de ses débuts.
Les dessins de 1937, en noir et blanc, sont de formes biomorphes à la Arp*; ceux de 1937-1938 sont denses comme des Arcimboldo, D'yeux, (1938), soit faits de simples sinuosités comme les pratiquera plus tard Hundertwasser*, Space Travel, collection Onslow-Ford (qui possède de nombreux Matta de ses début), soit étalés comme des Tanguy, soit encore avec des élégances d'Art nouveau*, Ce sont des Morphologies, (1938-1939) série qui ne compte qu'une dizaine de tableaux dont le premier Veille de la mort, (1938). Il use de l'automatisme* en ce sens que l'application de la matière est quelque peu laissée au hasard et qu'il intervient ensuite, Portrait de FedericonGarcia Lorca, (ca. 1938), lavis en cyclope.
C'est précisément dans la ligne de Tanguy le surréaliste que s'ouvre sa première période,de 1938 à 1941 : ce sont des baies et des caps, des grottes marines, des chaussées de géants rendus fluorescents par l'opposition des couleurs acides. En 1941-1942 intervient la géométrisation de l'espace sur des motifs toujours tanguyens, c'est la période dite des Morphologies psychologiques, dont la toile la plus célèbre est sans doute Le Vertige d'Eros, (1944, MOMA), marche funèbre frappée de plans, peuplée de monstrueux oursins et d'oeufs en lévitation, Écoutez vivre, (1941, MET) ; La Vertu noire, (1943, Tate), Onyx of Electra, (1944, MOMA), Transparence-Sense, (1946, FMSP), amalgament les cycles coupés de plans horizontaux.
Ses oeuvres commencent très tôt, à être érotisées, Drawing, (1941, FPSG), avec des séquences génésiques, seins, bourses, verges, formes mâle et femelle s'emboîtant.
En 1944, il devient le peintre du temps présent, du futur qui est déjà présent, le peintre du cosmos - figuratif et surréaliste toujours -, le prophète de ce 21 juillet 1979 où l'homme met pied sur la lune. Pour quelques toiles de petites dimensions, Sans titre, 1 et 2, (1950, MAMStE), théâtre ou cirque cosmiques, les toiles horizontales prédominent et aboutissent à d'immenses compositions dépassant parfois les 40 m, dans lesquelles le spectateur est enveloppé, Les Puissances du désordre, (1964-1965, MNAM), ou Les Plaisirs de la présence, (1984-1985). C'est La Guerre des mondes de Wells (1897) ou L'Odyssée de l'espace de Kubrick, (1968). Les spoutniks heurtent des antennes paraboliques, survolent des capteurs solaires ; des personnages mécanomorphes, bientôt remplacés par des insectes anthropomorphes, élongés, acérés, s'empêtrent dans des fils d'araignée géants livrés aux désordre phalliques; des satellites en action, des fusées en chute libre, des bras mécaniques, des stations orbitales ; le tout bien plus surréaliste que fantastique, baignant dans une lumière vitreuse. L'essentiel d'une toile est habité par des panneaux solaires,déployés et articulés sous le titre La Conscience de l'univers, de telle manière qu'on le sent préoccupé de communication. Comme elle est vierge ma forêt, (1992), retombe sur terre et renouvelle le genre du sous-bois hanté, cette fois d'ectoplasmes. Le rouge et le noir dominent, le feu et la forêt, le vert pour des giclements d'eau, des remous. Parfois la palette assourdit son acidité, s'assombrit jusqu'à devenir celle du cubisme*, durant que les attitudes se font plus rigides, Grande Composition, (1963) ou Grand Burundum, (1973, FNAC), ou encore Le Palais du soleil, (1983) : les êtres sont réifiés, les choses anthropomorphisées, il cousine alors avec Lam*. En 1989, une suite d'aquarelles sur le corps féminin, sur son centre vaginal, avec l'éclatement du sang et des gestes obscènes de membres élongés comme des bras de pieuvres; les figures dominent bordées d'un trait épais noir ou blanc. A compter de 1990, il adopte un style d'abstraction lyrique* fait d'un éclatement de couleurs et de traits qui sont destinés à indiquer un plan différent, A l'intérieur du séminal, (1990) et Vivre, (2001).
Il travaille aussi le verre sous l'impulsion de Costantini*, la céramique dans une inspiration amérindienne, dès le milieu des années 1990 et, dès 1969, le bronze pour une armée de bizarres et fantastiques guerriers, à l'instar de ceux retrouvés en Chine, ou pour des arbres, tronc éléphantesque et ramure en parasol, Eramen, (1985), ou encore pour des totems à la tête non-figurative et plate, See Wake, (1991).
Il s'engage politiquement, expliquant que Les Roses sont belles, (1952), est inspiré par l'exécution des époux Rosenberg ; que La Question, (1964) lui vient de la lecture de La Torture d'Henri Alleg ; que Les Puissances du désordre, (1964, cfr. supra) remémorent l'exécution du militant communiste espagnol Julian Grimau. Cet engagement, peu explicite, est au second degré.
Expositions : 1938, Exposition internationale du surréalisme, Paris (G) ; 1940, Julien Lévy, New York ; 1947, Pierre Drouin, Paris ; 1995, gal. de France et Dionne, Paris, (P).
Rétrospective : nombreuses de par le monde de 1957, au Museum of Modern Art, New York, jusqu'en 1985, au musée national d'art moderne, Paris et 2013, Musées Burda, Baden-Baden et Cantini, Marseille.
Citation(s) : Il a dit :
- Certains s'étonnent que l'on fasse un arbre en bronze alors que l'on fait depuis toujours des femmes nues en bronze.
On a dit :
- La façon dont il commençait à peindre chacune de ses toiles était presque totalement aléatoire. Pajarito (sa femme), lui bandait les yeux, lui donnait un pinceau qu'elle lui faisait tremper dans une couleur ; ensuite elle le guidait jusqu'à une tile entièrement blanche sur laquelle il posait le pinceau, y faisant une tache. Il répétait les mêmes gestes à plusieurs reprises, en utilisant autant de pinceaux et de couleurs qu'il le souhaitait. Ensuite, il ôtait son bandeau et, en prenant pour point de départ ces taches faites à l'aveuglette dont les couleurs avaient été imposées arbitrairement, il les reliait par des motifs destinés à conférer à l'ensemble une certaine unité. Cette technique donnait naissance à des oeuvres mystérieuses et vaguement inandescentes. (Paul Bowles).
- Bien qu'encore jeune, Matta est le peintre le plus profond de sa génération. (Marcel Duchamp).