CUBISME

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Graveuse

Présentation : Mot inventé par Louis Vauxcelles, dans le 'Gil Blas', du 14 novembre 1908, à propos de l'exposition à la galerie Kahnweiller* des Braque* refusés au salon d'Automne ; le critique avait vu des réductions " à des schémas géométriques, à des cubes "; le mot lui aurait été soufflé par Matisse*. Le cubisme est probablement la plus grande révolution dans la peinture depuis la Renaissance : le peintre cesse d'être un miroir, et devient créateur. Selon le mot d'Apollinaire, il n'est plus un imitateur, mais se trouve un concepteur; on assiste à un glissement d'une approche perceptuelle à une approche conceptuelle*; il s'agit de structure la toile en elle-même et non en fonction de la représentation de la réalité. Le but? " La représentation d'un objet en une seule image constituée par des vues prises sous des angles multiples et divers " (Jacques Lacassaigne), et en même temps de faire passer la troisième dimension dans un espace à deux dimensions.
Les maîtres : Picasso* et Braque*, puis Gris*, venus de Montmartre* et Léger*.  Le premier, ayant découvert Cézanne et l'art nègre, quoiqu'il en nie l'influence, peint la toile mère, Les Demoiselles d'Avignon, (1907, MoMA); Braque la voit, et l'un et l'autre oeuvrent de conserve au Bateau-Lavoir*. Ces premières toiles, de 1907 à 1909, sont inspirées, de cet art nègre rejoignant parfois l'art  roman catalan : l' 'Autoportrait' de Picasso de la galerie Nodni de Prague est proche du Christ' de Tahull du musée de Barcelone.
1. Le cubisme cézannien (1908-1909) :
L'inspirateur est le Cézanne des années 1875 notamment par sa touche géométrique, Clos des Mathurins, (1875, MAPP) ; suivi de Braque mettant en scène par un avant-plan d'arbres en rideau de théâtre et créant la perspective par l'éclaircissement du second plan ; La Rue des bois, (1908, ERM), de Picasso. Ce dernier use du vert profond, tandis que Braque en reste aux vert-de-gris, ocres et gris, qui sot les teintes du cubisme. Une toile rend un hommage explicite : Le Chapeau, (1908-1909, SMKM), de Picasso, reproduit le Cronstadt porté par Les Joueurs de cartes de Cézanne. À la fin de la période, les géométries se sont agrandies et réduites à quelques cubes, Château de La-Roche-Guyon, (1909, MAPP), de Braque, et Maisons sur la colline, (1909, MoMA), de Picasso.
2. Le cubisme analytique (1910-1912) :
Braque et Picasso entassent les arêtes des objets dans des constructions aux teintes pauvres ; ils frôlent l'abstraction*, et leurs toiles pourraient invariablement être attribuées à l'un ou à l'autre, d'autant qu'ils ne les signent pas nécessairement. Ils s'attachent à évoquer le relief; pour chaque objet, ils n'utilisent qu'n nombre limité de signes représentatifs, signifiants, majeurs. Ils résolvent le paradoxe de la peinture qui cherche à représenter l'illusion du volume sur une surface plane, Femme à la mandoline, (1910), de Picasso, et Femme tenant une mandolne, (1910, SGLM) de Braque. En 1911, ils insèrent leurs fragmentations en arêtes dans des armatures en échafaudages, L'Homme à la guitare, (1911, MoMA), de Braque, et L'Accordéoniste, (1911, SGM), de Picasso. Braque fait apparaître des clous en trompe l'oeil pour marquer la sauvegarde de la réalité, Violon et palette, (1909, ibid.) et Broc et violon,C'est lui, aussi, qui inaugure la présentation verticale du plateau de la table, (1911 MNAM), Le Guéridon, (1910, KBâ).
3. Le cubisme synthétique (1912) : il faut réintégrer la perception de l'objet, même si c'est par la médiation de ses arêtes. Le collage* apparaît, et surtout les papiers collés, qui permettent l'émergence de cet avatar; les lettres au pochoir, et les thèmes récurrents du quotidien petit-bourgeois : le journal, l'instrument de musique populaire, le jeu de cartes, la pipe, etc. La couleur réapparaît chez Picasso, Guitare, (1912) ; l'apogée va de l'été 1910 à l'hiver 1912, puis vient l'époque tardive.
Picasso commente à Gonzalez* : " Ces peintures, il suffirait de les découper - les couleurs n'étant, somme toute, que des indications de perspectives différentes, des plans inclinés d'un côté ou de l'autre -, puis de les assembler selon les indications donnés par la couleur, pour se trouver en présence d'une sculpture.
4. Les épigones :
Dès 1910, un certain nombre d'artistes se rallient à ce style en un important peloton des Delaunay*, Gleizes*, Hayden*, La Fresnaye*, Le Fauconnier*, Léger*, Lhote*, Metinger*, Marcoussis*, Severini*, Villon*, tous nés entre 1881 et 1887, et la plupart tenants de la théorie de la section d'or. Ils sont parfois appelés "groupe de Puteaux". Sans omettre les sculpteurs Laurens*, Lipschitz*, Zadkine*. Dès les années 1910, au Japon, et jusqu'aux années 1950, en Asie du Sud-Est, le cubisme se répand et ses avatars. A compter de 1912, le Futurisme* en Italie, le Cubo-futurisme*, en Russie, le Vorticisme* en Angleterre, voire l'Orphisme* en France. La deuxième génération des cubistes français, réunit tous ceux qui, dans les années, au-delà de la Première Guerre mondiale, s'inspirent des trouvailles des pionniers. Barnabé*, pour ne citer qu'un exemple; quant à la troisième génération est celle de ceux que Picasso appelle " les cubistes de salon ", ou des Salons...
5. Collection :
La plus importante collection des quatre grands, Braque, Gris, Léger et Picasso, reprenant toutes les étapes de 1906 1914, est rassemblée par Douglas Cooper*. 
En 2013, Leonard Lauder, homme d'affaires et philanthrope,  donne  au Metropolitan Museum de New York, 78N oeuvres des quatre grands (supra).

Citation(s) : On a dit :
 Avant tout, les artistes sont des hommes qui veulent devenir inhumains. Un Picasso étudie un objet comme un chirurgien dissèque un cadavre. Le cubisme est l'art de peindre des ensembles nouveaux avec des éléments empruntés non à la réalité de vision, mais à la réalité de conception.  (Guillaume Apollinaire in Les peintres cubistes, 1913)
- C'est à Picasso et à Braque que nous devons cette explosion de la réalité des formes au profit d'une recomposition utopique par l'esprit. Parmi d'autres éléments, la découverte de l'art nègre a été le détonateur. A l'opposé de l'idéal grec, image photographique de l'homme , le cubisme désosse la réalité pour recomposer des formes imaginaires qui doivent tout à l'instinct. Les masques et les fétiches africains sont annonciateurs de la rupture fracassante des arts avec notre passé.     (Jean Moulin à Daniel Cordier, le 27 mai 1943).
- Le cubisme, c'est comme le freudisme, l'un ramène tout au sexe, l'autre au cube. (De Chirico).
- Le cubisme ne pouvait apparaître que dans le Sud, en raison de l'intensité de la lumière qui force plisser les yeux. (Sigmar Polke).
Ils se sont dits :
- Alors on continue ou on ne continue pas à en faire du cubisme? (Picasso à Braque).